;-) clin d'oeil en rébus aux anciens apothicaires
A la manière d'un Mémento, ce Blog rassemble pour mon usage personnel, des Informations, des Liens, des Actualités, des Rappels réglementaires et des Remarques personnelles. Mais comme cet ensemble didactique rapide peut aussi être utile à d'autres pharmaciens d'officine, je le laisse en ligne afin qu'il soit consultable. Et je remercie dès maintenant les éventuels lecteurs qui laisseront des commentaires et leurs remarques pour me permettre de faire les mises à jour nécessaires, les améliorations et les corrections souhaitables.

samedi, septembre 15, 2012

Quinquina


LIMA. XVIIe siècle. Exténué par sa course, le soldat tend le sac contenant la poudre obtenue auprès des Indiens que le médecin administre aussitôt à une femme alitée. Elle n'est autre que l'épouse du vice-roi du Pérou, Luis Geronimo Cabrera, comte de Chinchon (1589-1647). Passés trois jours, n'ayant plus de fièvre, la vice-reine se lève en pleine forme, entendant faire bénéficier toute la ville de ce médicament qui ne tarde pas à être appelé « poudre de la comtesse », Quelques années plus tard, la comtesse étant décédée, son mari se retira près de Madrid où il mourut. Le bruit courut qu'il avait ramené en quantité l'écorce qu'il distribuait aux paysans de son fief pour les préserver des fièvres ... puis disparut des mémoires. Quelle que soit sa véracité, cette histoire prit consistance grâce à Linné, qui devait nommer en1742 l'arbre producteur de l'écorce Cinchona, en l'honneur de la comtesse de Chinchon. C'est donc au XVIIe siècle que l'Occident découvrit les vertus du « kinakina » (écorce des écorces) récolté par les Indiens Aymaras sur l' « arbre de la fièvre» - rien ne prouve toutefois qu'ils l'aient utilisé comme fébrifuge; de plus, le kinakina n'était probablement pas l'écorce du quinquina qui pourtant en tira son nom. Un cardinal jésuite, Juan de - Lugo, pressa alors le médecin du pape Innocent X d'étudier cette écorce. Ce dernier l'ayant jugée miraculeuse, les religieux s'attribuèrent le monopole de l'importation de ce qui devint la « poudre des Jésuites ». Toutefois, tiraillé entre partisans acharnés et détracteurs opiniâtres, le quinquina sembla sombrer dans l'oubli vers 1660 une fois constaté qu'il ne préservait pas de la peste. Mais la poudre continua une aventure clandestine. Un jeune apothicaire de l'Essex, Robert Talbor (1642-1681), se présenta en 1668 à Londres comme « pyré­tiâtre », il stigmatisa la poudre des Jésuites et proposa un autre fébrifuge qui ne tarda pas à faire sa fortune et sa notoriété (il fut nommé médecin du roi !).
En 1678, le dauphin de France étant tiré d'une mauvaise fièvre par notre pyrétiâtre, la Cour s'en­thousiasma pour sa poudre révo­lutionnaire et le quinquina devint, plus qu'Un médicament, une bois­, son à la mode. Le secret de Talbor fut levé en 1682 par le médecin du roi Nicolas de Blégny (1652- 1722) : l'Anglais administrait du quinquina en masquant son amertume par des aromates.
Personne ne sut pendant long­temps comment était fait l'arbre dans sa globalité: les Indiens re­fusaient de dévoiler leurs lieux de récolte. Il fallut attendre 1737 pour que La Condamine (1701-1774), le premier, puisse le dé­crire ; quant au botaniste Joseph de Jussieu (1704-1779), il en dis­tingua diverses espèces, mais res­ta trente-six ans en Amérique du -Sud pour mourir, fou, peu après son retour en France: son témoignage ne fut retrouvé qu'en ... 1936 !
Nicolas TOURNEUR
Source : Le moniteur des pharmacies - septembre 2012
Du quinquina à la quinine
L'écorce du quinquina, analysée en 1820 par les pharmaciens français, Pierre-Joseph Pelletier (1788-1842) et Jean Bien-Aimé Caventou (1795- 1887), livra deux alcaloïdes (on ap­prit par la suite qu'elle en contenait bien d'autres !) : la cinchonine et la quinine qui, puissamment fébri­fuge, devint un médicament essen­tiel au XIX- siècle - avec la morphine. Leur technique permit de comparer la qualité des divers quinquinas. Il fallut toutefois attendre 1865 pour qu'un commerçant anglais, Charles Ledger (1818-1905), obtienne d'un Indien bolivien, Manuel lncra Ma­mani, quelques kilos de graines du meilleur : g. Cinchona calisaya. L’indien fut mis à mort par ses proches pour avoir trahi leur secret. Quant aux graines, elles constituèrent la base des plantations hollandaises de Java, Source de quinine jusqu'à leur destruction par l'armée nippone pendant la Seconde Guerre mon­diale. Les antipaludiques de syn­thèse, notamment la chloroquine, prirent alors la relève et ouvrirent une autre histoire. 

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